UE : l’éolien en mer « devrait être multiplié par 25 d’ici à 2050 »
19 novembre 2020
19 novembre 2020
L’éolien en mer « devrait être multiplié par 25 d’ici à 2050 », peut-on lire dans une esquisse de document d’orientation rédigée par la Commission européenne. Dans ce contexte, Bruxelles envisage plusieurs stratégies pour stimuler la part du renouvelable dans le bouquet énergétique.
La croissance prévue de l’éolien en mer constitue un point souligné dans le projet de feuille de route en matière d’énergies renouvelables ébauché par la Commission européenne, qui devrait être présenté jeudi (19 novembre).
À l’heure actuelle, la capacité européenne offshore se situe à 23 Gigawatts (GW). La stratégie divulguée prévoit toutefois de la porter à 60 GW d’ici à 2030 et à 300 GW d’ici à 2050.
La mer du Nord, la mer Baltique, la mer Méditerranée, la mer Noire et l’océan Atlantique pourraient chacun accueillir davantage de parcs éoliens, tandis que la mer du Nord détient déjà la première place sur ce plan.
« L’industrie éolienne est prête pour atteindre ces objectifs exaltants et ambitieux. L’énergie éolienne offshore est bon marché et évolutive », a déclaré Ivan Pineda, chargé des affaires publiques à WindEurope, une association du secteur éolien.
Toutefois, il a soutenu que le document-cadre à ce propos devait être révisé afin que l’industrie puisse maintenir la croissance.
La stratégie offshore est discrètement mise en avant par l’Allemagne, présidente du Conseil de l’UE, car les enjeux sont de taille. En effet, en 2019, Berlin a présenté son nouveau programme à cet effet afin de stimuler le marché éolien alors enlisé.
En outre, la Commission européenne souhaite œuvrer pour que la part du renouvelable dans le mix énergétique européen atteigne 38-40 %, et ce dans le but d’atteindre les objectifs climatiques révisés pour 2030.
« La Commission estime qu’une capacité installée de 300 GW d’éolien offshore et d’environ 60 GW d’énergies marines d’ici à 2050 serait nécessaire dans la mise en place d’un système énergétique intégré, plus vert et climatiquement neutre d’ici à 2050 », peut-on lire dans le projet de document.
Cette croissance rapide devrait coûter 789 milliards d’euros dans l’ensemble et créer 62 000 emplois dans l’industrie, précise le dossier ci-dessous, arguant qu’elle était « faisable », mais également caractérisée par des « défis très importants ».
Les plans nationaux de relance instaurés dans le cadre de la pandémie actuelle devraient, notamment, contribuer financièrement à sa réalisation : les fonds publics devront assumer certains des risques du marché. La révision prochaine des aides d’État pour la protection de l’environnement prévue l’année prochaine donnera aussi aux gouvernements nationaux une marge de manœuvre plus grande pour financer les projets offshores.
Coopération transfrontalière
La stratégie prévoit un renforcement de la coopération transfrontalière pour stimuler l’éolien en mer. Toutefois, la législation pour ces sites dits « hybrides » n’en est qu’à ses balbutiements et les négociations transfrontalières sur le plan financier s’avèrent compliquées.
Il n’existe qu’un exemple, entre l’Allemagne et le Danemark, de site hybride : un parc éolien qui, contrairement à ceux plus conventionnels, est connecté à plus d’un pays ou partage son infrastructure de transmission. Kriegers Flak est entré en activité conformément à un accord transitoire, et ce en raison des vides juridiques en la matière à l’échelle européenne.
La Commission européenne devrait ainsi proposer un cadre pour combler les lacunes. De ce fait, elle souhaite que ces projets hybrides « forment une étape intermédiaire entre les projets nationaux plus petits et un système et réseau énergétique offshore parfaitement harmonisé ».
WindEurope a salué cette décision et a appelé à une rapide mise en œuvre du cadre pour débloquer de nouveaux projets transfrontaliers.
« Nous avons besoin d’une feuille de route qui nous permette d’investir et de coopérer dans les hybrides offshores », a expliqué M. Pineda. « Il y a des projets dans les cartons qui attendent d’être remis sur pied. À la vue des règles européennes actuelles, les hybrides offshores sont désavantagés par rapport à leurs homologues plus traditionnels et aux projets d’interconnexion », a-t-il fait valoir auprès d’Euractiv.
Par conséquent, Bruxelles souhaite créer plusieurs zones de dépôts des offres afin de garantir l’intégration et l’utilisation de la production d’électricité par des hybrides offshores sur le marché européen de l’électricité. Pour rappel, une zone de dépôts des offres est la plus grande zone géographique à l’intérieur de laquelle les acteurs du marché peuvent procéder à des échanges d’énergie sans attribution de capacité.
Néanmoins, Ivan Pineda argue que ces « zones » ne résoudront pas automatiquement les problèmes auxquels sont confrontés les projets hybrides. D’après lui, elles n’offrent pas assez de sécurité pour les investissements.
« La Commission européenne devrait clarifier comment la rente de congestion provenant de l’interconnexion de l’hybride offshore peut être répartie entre les gestionnaires de réseau de transport et les propriétaires de parcs éoliens », a-t-il avancé, expliquant que « sans cela, les zones de dépôts des offres ne permettront pas le bon déroulement des projets ».
Redoubler d’efforts
La stratégie européenne a comme objectif d’aborder la totalité de la chaîne de valeur de l’éolien en mer, y compris le processus de fabrication des éoliennes et le développement des infrastructures portuaires.
Aux yeux de WindEurope, il faut redoubler d’efforts pour construire des ports capables de stocker des pales d’éoliennes dépassant désormais les 100 mètres de long, renforcer les bords des quais et creuser davantage les postes d’amarrage. Le renforcement des réseaux terrestres fait également partie intégrante de la chaîne de valeur offshore.
« Nous ne devons pas oublier de stimuler les investissements nécessaires à terre – dans les raccordements aux réseaux terrestres et surtout dans les ports, qui constituent le noyau du développement de l’éolien en mer », estime M. Pineda.
D’après La Commission « le développement du réseau a des délais plus longs (généralement 10 ans ou plus) que la production d’électricité offshore elle-même, ce qui souligne la nécessité d’un investissement prospectif dans le réseau ».
Éoliennes flottantes
Sur le plan technologique, le projet de document envisage un renforcement des dispositifs fixés au fond marin et flottants.
Les éoliennes flottantes permettent aux parcs éoliens d’être installés au grand large, car elles ne sont pas fixées au fond marin. Il s’agit d’une technologie relativement nouvelle, le premier parc ayant été inauguré au large de l’Écosse en 2017 et le second au Portugal en 2019.
Ces installations pourraient créer 318 000 emplois et fournir de l’électricité pour 145 millions de foyers d’ici à 2030, d’après le rapport réalisé par WindEurope en 2013.
Bien que le document reconnaisse le développement et la recherche à ce sujet, l’industrie appelle l’UE à étoffer les financements pour les projets de démonstration de plus grande envergure afin de réduire davantage le coût de la technologie.
Concurrence à l’échelle internationale
L’un des objectifs clés de l’ébauche de la stratégie offshore consiste à maintenir le leadership européen sur la scène internationale.
L’UE est actuellement cheffe de file en ce qui concerne l’énergie éolienne offshore – 42 % de la capacité mondiale offshore est installée en Europe.
« L’éolien marin représente un leadership européen incontesté sur le plan technologique et industriel », indique le document, mettant en lumière le fait que le premier parc éolien offshore au monde a vu le jour à Vindeby, au sud des côtes danoises, en 1991.
Pourtant, l’Inde et la Chine talonnent désormais l’Europe, ajoute la Commission, notant qu’« en 2018, la Chine a attiré environ la moitié des investissements dans l’éolien marin ».
Par conséquent, « l’UE doit adopter une approche plus forte dans la mise en avant de ses intérêts par le biais de sa politique commerciale », soutient le document.
« Les accords de libre-échange et la coopération internationale devraient viser à assurer un commerce et des investissements non faussés, garantir la réciprocité de l’accès au marché et tenir compte de la nécessité de faire converger les normes.»
Plus près, l’Union européenne est également confrontée à la concurrence croissante du Royaume-Uni, qui cherche à accroître sa flotte offshore, tandis qu’aux États-Unis, la prochaine administration Biden devrait relancer les mesures politiques afin de stimuler la technologie éolienne dans le pays.
« Cela signifie une concurrence pour l’Europe », a déclaré M. Pineda. « Mais, cela signifie aussi innovation, apprentissage et coopération. L’éolien offshore deviendra encore plus compétitif ».
Source : EURACTIV